Provision comptable et provision fiscale
Lettre d'information - Mars 2015
Le Conseil d’Etat a décidé dans un arrêt du 23 décembre 2013 (« SAS Foncière du Rond-Point ») qu’une provision constatée en comptabilité doit venir, sauf exceptions, en diminution du résultat fiscal. Le principe de connexion entre comptabilité et fiscalité a ainsi été réaffirmé.
Définition comptable d’une provision
Une provision est définie par le Plan Comptable Général (article 321-5) : il s’agit d’un passif dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé de façon précise. Il s’agit donc d’une charge probable que l’entreprise aura à supporter. Il convient de distinguer les provisions et les dépréciations :
– les provisions sont inscrites au passif du bilan (compte 15) ; elles sont destinées à couvrir des risques ou des charges,
– les dépréciations sont inscrites en diminution d’un poste d’actif du bilan ; elles sont destinées à traduire la perte de valeur d’un actif (stock, créance client,…).
La constatation de la provision
La provision doit être obligatoirement constituée afin de tenir compte des risques et pertes intervenus au cours de l’exercice (article 513-4 du Plan Comptable Général). Les risques et charges nettement précisés quant à leur objet que des évènements survenus ou en cours rendent probables, entrainent la constitution de provisions (article R123-179 du Code de commerce).
Le fait générateur comptable doit exister à la date de clôture de l’exercice et doit être apprécié à cette date.
Sur le plan fiscal, les provisions sont constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours (à la date de clôture) rendent probables. Elles sont déductibles à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice (article 39-1-5° du Code général des Impôts). La définition fiscale permet de retenir les informations disponibles jusqu’à la date de clôture des comptes, pour déterminer le montant de la provision.
L’apport de la jurisprudence du Conseil d’Etat
La jurisprudence avait plusieurs fois admis qu’une provision constatée en comptabilité pouvait être réintégrée pour la détermination du résultat fiscal de l’exercice de sa dotation, puis déduite du résultat imposable de l’exercice suivant (en ce sens, Tribunal Administratif de Paris 2 février 2010). Il semblait donc possible pour une société de comptabiliser en année N une provision sans la déduire du résultat fiscal au cours de ce même exercice N, adoptant ainsi un traitement différent de la provision sur le plan comptable et sur le plan fiscal.
Dans sa décision du 23 décembre 2013, le Conseil d’Etat a estimé que la société qui comptabilise une provision au titre d’un exercice doit la déduire de son résultat fiscal au titre du même exercice, faisant ainsi une application stricte du principe de connexion entre comptabilité et fiscalité, défini à l’article 38 quater de l’annexe III du Code Général des Impôts.
Les conséquences de l’alignement des règles comptables et fiscales
Le principe d’alignement des règles comptables et fiscales en matière de provisions doit donc être appliqué, sauf si des règles particulières du droit fiscal y font obstacle. Par conséquent, l’administration serait en droit d’imposer la reprise d’une provision même si cette dernière n’a pas été déduite fiscalement lors de sa dotation dès lors qu’elle répondait aux critères de déduction sur le plan fiscal. Toutefois, pour taxer une reprise de provision, cette provision doit exister au bilan fiscal d’ouverture de l’exercice de la reprise.
L’application du mécanisme d’intangibilité du bilan d’ouverture et de la jurisprudence du Conseil d’Etat conduit à distinguer deux hypothèses :
– si la reprise de provision intervient au titre du premier exercice non prescrit, l’administration ne devrait pas être en droit de taxer sa reprise comptable, puisque la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit empêche l’inscription préalable de la provision dans ce bilan,
– si la reprise de la provision intervient au titre d’un exercice ultérieur, l’administration fiscale serait en droit de taxer sa reprise comptable. Toutefois, en application de la théorie des corrections symétriques, l’entreprise serait en droit d’obtenir un dégrèvement au titre du premier exercice non prescrit, sauf en cas de caractère délibéré de l’omission de déduction.
En synthèse, une entreprise ne s’expose donc à être imposée au titre de la reprise d’une provision que dans l’hypothèse où elle s’est abstenue délibérément de déduire cette provision alors que les conditions fiscales de cette déduction étaient réunies.
Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire relatif à la présente lettre d’information ou à tout autre sujet d’ordre comptable, social, fiscal ou juridique.