L’apport des dernières jurisprudences communautaires
Lettre d'information - Septembre 2015
En droit français, les règles communautaires priment sur nos lois nationales et doivent être prises en considération par les Etats membres de l’UE qui doivent adapter leurs législations en conséquence. Une jurisprudence récente de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) est venue invalider la législation fiscale française relative à l’imposition des dividendes versés au sein d’un groupe. Le Conseil d’Etat (CE) s’est rallié à un autre arrêt de la CJUE dit arrêt « de Ruyter » au sujet du paiement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.
L’arrêt de la CJUE du 2 septembre 2015, arrêt « Stéria »
La CJUE était saisie d’une question préjudicielle. Les faits d’espèce étaient les suivants : la société Stéria, société de droit français, détient des participations de plus de 95 % dans des filiales établies en France avec lesquelles elle a constitué un groupe fiscal ainsi que dans d’autres filiales au sein de l’Union Européenne. Afin d’éviter une double imposition des revenus distribués par ses filiales, la société Stéria les déduit de son résultat fiscal, à l’exception d’une quote-part de frais et charges au taux forfaitaire de 5% des dividendes perçus.
Or, le droit français permet la neutralisation de cette quote-part de frais et charges portant sur les seuls dividendes perçus de filiales intégrées, par définition françaises.
A la suite d’un appel devant les juridictions nationales, c’est la cour administrative d’appel de Versailles qui a saisi la CJUE afin de savoir si cette disposition était compatible avec la liberté d’établissement, un des principes fondamentaux du droit européen.
La CJUE a considéré qu’elle restreignait la liberté d’établissement, sans que cette restriction soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. Elle a ainsi estimé qu’exclure du bénéfice d’un tel avantage une société mère qui détient une filiale établie dans un autre Etat membre est de nature à la dissuader de créer des filiales dans d’autres Etats membres.
Nous ne savons pas encore comment le législateur français transposera cette jurisprudence dans les textes. Toutefois, une réclamation déposée avant le 31 décembre 2015 devrait permettre d’obtenir la restitution d’impôt sur les sociétés sur les quotes-parts de frais et charges relatives aux dividendes de filiales étrangères perçus en 2012, 2013 et 2014.
L’arrêt du CE du 27 juillet 2015, affaire « de Ruyter »
La CJUE avait été saisie d’une question préjudicielle par le CE dans le cadre de l’affaire de Ruyter. L’arrêt du CE rendu le 27 juillet 2015 est venu confirmer en droit français la jurisprudence communautaire.
La question posée concernait la compatibilité des prélèvements sociaux (15,5%) sur les revenus du patrimoine avec le principe d’unicité de régime de protection sociale au sein de l’UE. Du fait de l’existence d’un lien entre ces prélèvements et le financement de certaines branches de la sécurité sociale, la CJUE puis le CE ont considéré que les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine n’étaient pas conformes au droit communautaire en l’absence d’affiliation à la sécurité sociale en France. Il s’agit d’une extension de la jurisprudence communautaire déjà applicable aux prélèvements fiscaux sur les revenus d’activité et de remplacement.
Un contribuable relevant uniquement d’un régime étranger de sécurité sociale ne saurait donc être soumis en France aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvements additionnels) sur les revenus du patrimoine. Les ressortissants concernés, ayant leur domicile fiscal en France pourront demander le remboursement des prélèvements sociaux indument acquittés de 2013 à 2015.
Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire relatif à la présente lettre d’information ou à tout autre sujet d’ordre comptable, social, fiscal ou juridique.