La nouvelle notion de mini-abus de droit
Lettre d'information - février 2020
La procédure de l’abus de droit fiscal par fraude à la loi a été étendue au 1er janvier 2020. Jusqu’alors, l’abus de droit était caractérisé seulement lorsque l’opération réalisée était exclusivement motivée par un intérêt fiscal (LPF art. L 64). Dans un souci de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, la loi a étendu ce dispositif à des opérations qui ne seraient pas à but exclusivement fiscal mais principalement fiscal. L’administration vient de commenter cette nouvelle procédure dans une mise à jour de la base BOFiP du 31 janvier 2020.
Champ d’application : extension de la procédure de l’abus de droit
La nouvelle définition de l’abus de droit, plus communément appelé « mini-abus de droit », permet d’écarter comme abusives les opérations réalisées dans un but principalement fiscal (LPF art. L 64 A).
L’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (LPF art. L 64 A).
L’administration souligne que cette nouvelle disposition n’a pas pour objet d’interdire au contribuable de choisir le cadre juridique le plus favorable du point de vue fiscal pourvu que ce choix ou les conditions le permettant ne soient empreints d’aucune artificialité.
Le fait que le contribuable opte pour la solution la plus avantageuse au plan fiscal ne permet pas de conclure à l’abus de droit s’il apparaît que les actes juridiques sur lesquels repose cette solution sont conformes à la réalité (CE 16-6-1976 no 95513). Les conditions qui ont permis de se trouver en situation d’exercer cette option peuvent en revanche être abusives et encourir la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal (CE 3-2-1984 no 38230).
S’agissant des actes qui peuvent être écartés, l’administration précise qu’ils peuvent être écrits ou non écrits (bail verbal, etc.), qu’ils soient unilatéraux, bilatéraux ou multilatéraux : il s’agit en pratique de tout acte ou fait qui manifeste l’intention de son auteur et produit des effets de droit.
Conditions d’application
La démonstration d’un abus de droit, qu’elle vise à sanctionner des actes à but exclusivement ou principalement fiscal, nécessite la réunion de deux éléments :
• un élément objectif : l’utilisation d’un texte à l’encontre des intentions de son auteur ;
• un élément subjectif, c’est-à-dire, pour les actes visés par le nouvel article L 64 A du LPF, la volonté principale d’éluder l’impôt.
Le critère objectif : l’application littérale des textes
Selon l’administration, la notion de «texte» englobe non seulement les lois nationales et les textes réglementaires qui en précisent l’application (notamment les décrets et les arrêtés), les conventions fiscales internationales mais aussi, selon certaines conditions, les instructions administratives publiées au BOFiP.
Le critère subjectif : le but principalement fiscal
Pour écarter un acte allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable, l’administration doit en outre démontrer que cet acte a pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés. Lorsque la charge fiscale normalement applicable n’est pas modifiée par l’acte en cause, ce dernier ne saurait constituer un abus de droit (CE 5-3-2007 no 284457).
Comme dans ses commentaires sur la procédure de l’abus de droit classique, l’administration précise qu’éluder ou atténuer les charges fiscales peut notamment consister à réduire une dette d’impôt ou à percevoir indûment un crédit d’impôt ou encore augmenter abusivement une situation déficitaire.
La notion de motif principal est, en tant que telle, plus large que la notion de but exclusivement fiscal au sens de l’article L 64 du LPF. L’administration semble proposer d’examiner le critère du but principalement fiscal selon une approche quantitative visant à comparer l’avantage fiscal et l’avantage non fiscal procurés par une même opération. Une opération procurant un avantage non fiscal négligeable (par exemple un avantage de trésorerie minime) demeurerait, selon l’administration, dans le champ de l’article L 64 du LPF.
Les impacts de cette mesure peuvent être importants. En effet, comment définir un objectif principalement fiscal ? Il faudra justifier des raisons, autres que fiscales, qui ont incité le contribuable à choisir la solution la moins coûteuse fiscalement parlant. Cet avantage non fiscal pourrait être difficile à quantifier.
Mise en œuvre de la procédure
Entrée en vigueur du « mini-abus de droit »
Cette mesure sera applicable aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur les actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.
Garanties
La procédure de rescrit prévue à l’article L 64 B du LPF est étendue à la procédure de « mini-abus de droit ». Le rescrit permet d’apprécier la portée d’une opération et d’obtenir une réponse de l’administration concernant sa conformité. La réponse, formulée par celle-ci, lui est par la suite opposable en cas de contrôle.
La compétence du comité de l’abus de droit fiscal est étendue à la procédure d’abus de droit prévue à l’article L 64 A du LPF. L’administration précise à cet égard que le comité est saisi et rend son avis dans les mêmes conditions que pour la procédure prévue à l’article L 64 du LPF.
Sanctions
Contrairement à la procédure de l’abus de droit classique, le mini-abus de droit n’entraîne pas l’application automatique des sanctions prévues par la loi. Seules les majorations de droit commun sont applicables.
Toutefois l’administration pourra, à condition de les justifier au regard des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire considérée, appliquer les pénalités pour insuffisances, omissions ou inexactitudes, aux taux respectifs de 40 % pour manquements délibérés et 80 % pour manœuvres frauduleuses.
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