Les sommes distribuées en cas de démembrement
Lettre d'information - août 2016
Les titres de société (parts sociales ou actions) peuvent être démembrés dans le cadre d’opérations portant sur le capital, et notamment dans le cadre d’une donation ou d’une succession. Ces démembrements entrainent certaines conséquences en matière de distribution de dividendes et de réserves. Une jurisprudence récente du 22 juin 2016 est venue préciser les droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier.
Le démembrement de propriété
La propriété, qu’elle soit immobilière ou mobilière, est composée de trois attributs :
– l’abusus : c’est le droit d’utiliser un bien, d’en jouir sans le transformer,
– le fructus : c’est le droit de disposer des fruits du bien (loyers, revenus…),
– l’usus : c’est le droit de transformer le bien, ou de le céder,
Lorsque le propriétaire décide de démembrer le bien qu’il possède, l’usus et le fructus reviennent à l’usufruitier, et l’abusus est attribué au nu-propriétaire.
Si le nu-propriétaire peut en principe vendre les titres qu’il détient, il doit préalablement recueillir l’accord de l’usufruitier.
Les ayants droit aux dividendes
Par principe, les ayants droit aux dividendes sont les associés ou actionnaires de la société. Lorsque les titres ont été démembrés, les dividendes reviennent donc à l’usufruitier. Ce droit à dividendes n’est acquis qu’après l’approbation des comptes, constatation de l’existence de sommes distribuables et détermination de la part attribuée à chaque associé (en ce sens, Cass. com. 28 novembre 2006).
Les ayants droit aux réserves et l’arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation du 22 juin 2016
Les bénéfices d’une société ne sont considérés comme des « fruits » (fructus) que lors de leur attribution sous forme de dividendes. En cas de mise en réserve des bénéfices, leur nature est modifiée et ils deviennent une des composantes de l’actif social. Ainsi, en cas de démembrement, ces réserves reviennent :
– aux ayants droit en cas de boni de liquidation,
– aux nus-propriétaires, étant précisé que les usufruitiers ont un droit de jouissance (sauf convention contraire entre l’usufruitier et le nu-propriétaire) sous la forme d’un quasi-usufruit : l’usufruitier perçoit alors les réserves distribuées mais a la charge de les restituer en fin d’usufruit (article 587 du Code civil).
L’arrêt d’espèce rendu par la Cour de Cassation le 22 juin 2016 portait sur un litige d’ordre fiscal. Suite au décès d’un actionnaire d’une société, le conjoint survivant avait recueilli l’usufruit des titres et les enfants la nue-propriété. Afin de solder l’indivision successorale, les héritiers ont fait valoir que les réserves distribuées par la société devaient revenir aux usufruitiers et donc sortir de l’actif social d’indivision, les réserves constituant des fruits.
La Cour a rejeté cet argument en précisant que « si l’usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent un accroissement de l’actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire [et que] les fonds provenant de la distribution des réserves constituées […] devaient bénéficier aux seuls nus-propriétaires et figurer à l’actif de l’indivision successorale».
Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire relatif à la présente lettre d’information ou à tout autre sujet d’ordre comptable, social, fiscal ou juridique.